L’érection de nouveaux cimetières de rang départemental : une exigence
communautaire forte de la population de Pikine
La considération et l’affection attachées aux êtres humains qui nous sont proches ou non et
qui ne sont plus du monde des vivants revêtent, une symbolique profondément cultuelle et
culturelle se manifestant diversement à l’échelle planétaire.
Au Sénégal, la coutume voudrait qu’une personne décédée soit mise sous terre dans un lieu
dédié (cimetières), quelle que soit par ailleurs son ethnie ou sa religion.
Aussi, dans un territoire où vivent et interagissent des personnes appartenant à une
communauté, les cimetières représentent un patrimoine matériel et immatériel.
Les grandes métropoles disposent de moins en moins d’aires destinées à l’extension ou à
l’érection de nouveaux cimetières, eu égards à l’inélasticité de l’espace. Si certaines trouvent
des palliatifs à travers la floraison de crématoriums, d’autres enont des limites pour des
raisons liées à la culture funéraire de leurs habitants.
La Ville de Dakar fut confrontée à ce problème dans le processus de l’occupation de son
espace. En effet, les cimetières implantés autrefois dans le site où se trouvent actuellement la
Grande Mosquée et l’Institut Islamique de Dakar ont été transférés dans un premier temps à
Soumbedioune à côté des anciens abattoirs de Dakar avant d’être installés vers 1975 à Yoff.
La Ville de Pikine dont la configuration urbaine actuelle remonte à 1952 connaît
présentement la situation qui s’était posée à la Ville de Dakar.
D’une population de 140 000 habitants en 1952 (source : article de Marc VERNIERE dans le
journal géographique page 107-126, Percé Orstom), celle-ci est passée à 1 170 791 habitants
en 2013 (source ANDS situation économique et sociale de Région de Dakar). Le nombre
d’habitants par kilomètre carré est passé de 1 473 habitants en 1952 à 12 324 habitants en
2013 soit un taux de progression de l’ordre 836,65%.
L’accroissement démographique exponentiel de la ville a impacté sur la distribution à la
population des services sociaux de base (santé, éducation, sécurité, assainissement, transport
etc.) mais aussi et surtout sur la disponibilité d’espaces réservés à des cimetières.
Les cimetières musulmans principaux situés dans la Commune de Pikine Ouest d’une
superficie d’environ 3 hectares étaient saturés. Il n’était pas rare d’assister à la superposition
d’enterrements sur un même tombeau. Le même phénomène se présentait avec moins
d’ampleur dans les autres cimetières se trouvant un peu partout dans le territoire de la ville.
La population de confession chrétienne, ne disposant de cimetières, était obligée de se rabattre
sur Saint Lazare de Béthanie avec des contraintes induites en termes de déplacement et de
mobilité.
La disponibilité de nouveaux cimetières de rang départemental étant devenue une exigence
communautaire, les imans, les membres du clergé local et les délégués de quartier du
département en ont fait le portage aux maires qui se sont succédé à la Ville de Pikine.
Le maire actuel s’est fait une appropriation de la demande communautaire en la soumettant au
Conseil municipal avant d’en saisir les hautes autorités de l’Etat.
Plusieurs alternatives de solution ont été ébauchées dont (i) l’extension des cimetières situés
dans la Commune de Pikine Ouest, (ii) l’érection de nouveaux cimetières à Diamniadio ou
(iii) dans la forêt classée de Mbao.
L’extension des cimetières situés dans la Commune de Pikine Ouest se heurte à la difficulté
liée au fait que le seul espace disponible contigu aux cimetières est une zone marécageuse où
l’eau est à 10 centimètres du sol.
Eriger les cimetières à Diamniadio n’est pas envisageable pour d’abord des raisons
d’exterritorialité et ensuite cette zone repose sur du calcaire où il est impossible de creuser des
tombeaux.
Recourir systématiquement autres cimetières qui commencement à atteindre le seuil de
saturation serait de transférer aux autres communes la même problématique.
La seule alternative pertinente qui vaille serait de faire déclasser 10 hectares de la forêt de
Mbao et d’y ériger des cimetières englobant ceux des naufragés du bateau le Diola en
réservant 8 hectares aux musulmans et 2 hectares aux catholiques.
Des voix s’élèvent déjà en soulevant les contraintes liées à la conservation du poumon vert
qu’est la forêt.
Il est tout à fait possible d’implanter des cimetières écologiques qui soient en harmonie avec
l’environnement.
Seul un compromis juste s’impose.
Fait à Pikine le 23 juin 2020
Baye NIANG